Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/128

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croyez qu’il se guérira, qu’il pardonnera, qu’il oubliera, et que vous réussirez plus tard à jeter dans son lit une dinde grasse, avec un portefeuille d’actions ! Combien en pourrais-je citer qui sont morts sans avoir voulu se laisser consoler ainsi !

Mais l’État ne s’en inquiète point. L’État règne. Même sur les questions qui le regardent le moins, il entend faire accepter non ses avis, mais ses ordres. Jusque dans la ruelle du lit, il faut qu’il exerce ou délègue son autorité stérilisante. Souveraine est sa morale nuptiale, et peu lui importe de savoir sur quelle routine il l’établit. Épousez une actrice, décorée ou non, Paris trouvera cela tout naturel ; on en a d’illustres et de charmants exemples ; mais si vous êtes receveur des contributions dans un trou d’Auvergne ou de Savoie, n’espérez pas obtenir de votre chef de service qu’il vous laisse épouser Agnès ni Chimène. L’administration en est restée là dessus aux idées du dix-septième siècle. Il faut se soumettre ou se démettre, rester célibataire ou perdre son emploi. Pour beaucoup d’hommes, c’est le choix forcé entre le désespoir et la misère.

Par contre, quand le supérieur accorde son consentement, comme s’il prétendait lui donner l’auréole de l’infaillibilité papale, tout doit courber le front devant sa parole sainte. Voyez ce qui s’est passé à Melun. Un officier demande à épouser