Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 11.djvu/72

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la première entend le coucou est dite avoir reçu le plus heureux présage. Elles rentrent dans leurs maisons quand le village est endormi, et là elles tressent des couronnes, des guirlandes, des gerbes fleuries, qu’elles suspendent aux fenêtres et aux portes fermées. Le lendemain, quand le soleil se lève, tout le printemps de la terre est venu, entre leurs doigts, envahir les cités de ses corolles et de ses parfums.

C’est la première aube de mai ; le village s’éveille avec elle, et chacun s’habille en hâte. Toutes les femmes ont des anémones dans les cheveux en signe de joie. Tous les hommes sont en habit de fête, portant le gilet noir boutonné en losange, la ceinture écarlate et le bonnet cassé neuf. Une vieille dame, dans chaque quartier, parcourt les rues, portant une coupe de miel où elle trempe son doigt, et elle touche de ce doigt les vierges au front pour les faire paraître douces comme le miel aux yeux de leurs fiancés.

À douze ans, les filles se marient, si toutefois elles ont un trousseau complet ; autrement, les partis ne se présenteraient pas. Ce trousseau, il faut qu’elle le fassent elles-mêmes ; la plus habile est la mieux ornée. Toutes les pièces du linge et des vêtements sont tissées au métier par la candidate : chemises, chemisettes, pantalons bouffants, draps, serviettes, nappes et torchons, étoffe à trame lâche ou serrée, unie ou rayée