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PREMIÈRE SEXTINE



Des frissons froids, plissés brusquement sur la mer ;
Le blanc silence ; un vent désolé : c’est l’hiver.
Le crépuscule éteint qui sombre dans la nue
A fini d’éclairer les flots de teintes chair ;
Et le soleil est mort dans la profondeur nue
Parmi les frondaisons de la flore inconnue.

Alors, dans le silence, une voix inconnue
S’éleva lentement ; et je vis de la mer
Surgir une sirène, incorruptible et nue,
Qui parmi le brouillard épars au vent d’hiver
Avait des fleurs de givre aux pointes de sa chair
Et s’argentait plus blanche aux blancheurs de la nue.

Une bourrasque vint qui dissipa la nue.
Tout s’éclaircit. Je vis resplendir l’Inconnue.
La banquise était moins neigeuse que sa chair.
Elle errait comme un bloc de glace dans la mer,
Sous la lueur navrante et morte de l’hiver
Dressant hors des flots noirs sa virginité nue.