Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 2.djvu/11

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Lesbos était alors le centre du monde. À mi-chemin entre la belle Attique et la fastueuse Lydie, elle avait pour capitale une cité plus éclairée qu’Athènes et plus corrompue que Sardes : Mytilène, bâtie sur une presqu’île en vue des côtes d’Asie. La mer bleue entourait la ville. De la hauteur des temples on distinguait à l’horizon la ligne blanche d’Atarnée qui était le port de Pergame.

Les rues étroites et toujours encombrées par la foule resplendissaient d’étoffes bariolées, tuniques de pourpre et d’hyacinthe, cyclas de soies transparentes, bassaras traînantes dans la poussière des chaussures jaunes. Les femmes portaient aux oreilles de grands anneaux d’or enfilés de perles brutes, et aux bras des bracelets d’argent massif grossièrement ciselés en relief. Les hommes eux-mêmes avaient la chevelure brillante et parfumée d’huiles rares. Les chevilles des Grecques étaient nues dans le cliquetis des periscelis, larges serpents de métal clair qui tintaient sur les talons ; celles des Asiatiques se mouvaient en des bottines molles et peintes. Par groupes, les passants stationnaient devant des boutiques tout en façade et où l’on ne vendait que l’étalage : tapis de couleurs sombres, housses brochées de fils d’or, bijoux d’ambre et d’ivoire, selon les quartiers. L’animation de Mytilène ne cessait pas avec le jour ; il n’y avait pas d’heure si tardive, où l’on n’entendît, par les portes ouvertes, des sons joyeux d’instruments, des cris de femmes et le bruit