Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plexité d’une trame : ils trouvent le vide et s’y perdent. C’est ainsi que l’âme de Chrysis, claire comme celle d’un petit enfant, parut à Démétrios plus mystérieuse qu’un problème de métaphysique. En quittant cette femme sur la jetée, il rentra chez lui comme en rêve, incapable de répondre à toutes les questions qui l’assiégeaient. Que voulait-elle faire de ces trois cadeaux ? Il était impossible qu’elle portât ni qu’elle vendît un miroir célèbre volé, le peigne d’une femme assassinée, le collier de perles de la déesse. En les conservant chez elle, elle s’exposerait chaque jour à une découverte fatale. Alors pourquoi les demander ? pour les détruire ? Il savait trop bien que les femmes ne jouissent pas des choses secrètes et que les événements heureux ne commencent à les réjouir que le jour où ils sont connus. Et puis, par quelle divination, par quelle profonde clairvoyance l’avait-elle jugé capable d’accomplir pour elle trois actions aussi extraordinaires ?

Assurément, s’il l’avait voulu, Chrysis enlevée de chez elle, livrée à sa merci, fût devenue sa maîtresse, sa femme ou son esclave, au choix. Il avait même la liberté de la détruire, simplement. Les révolutions antérieures avaient fréquemment habitué les citoyens aux morts violentes, et nul ne se fût inquiété d’une courtisane disparue. Chrysis devait le savoir, et pourtant elle avait osé…