Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/115

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chait les yeux sur sa main. Melitta en connaissait quelques-unes, qui l’embrassaient sans l’arrêter. En passant devant un autel fruste, elle cueillit trois grandes fleurs dans l’herbe et les déposa sur la pierre.

La nuit n’était pas encore sombre. La lumière intense des jours d’été a quelque chose de durable qui s’attarde vaguement dans les lents crépuscules. Les étoiles faibles et mouillées, à peine plus claires que le fond du ciel, clignaient d’une palpitation douce, et les ombres des branches restaient indécises.

« Tiens ! dit Melitta. Maman. Voilà maman. »

Une femme seule, vêtue d’une triple mousseline rayée de bleu, s’avançait d’un pas tranquille. Dès qu’elle aperçut l’enfant, elle courut à elle, la souleva de terre, la prit dans ses bras et l’embrassa fortement sur les joues.

« Ma petite fille ! mon petit amour, où vas-tu ?

— Je conduis quelqu’un qui veut voir Chimairis. Et toi ? Est-ce que tu te promènes ?

— Corinna est accouchée. Je suis allée chez elle ; j’ai dîné près de son lit.

— Et qu’est-ce qu’elle a fait ? un garçon ?

— Deux jumelles, mon chéri, roses comme des poupées de cire. Tu peux y aller cette nuit, elle te les montrera.

— Oh ! que c’est bien ! deux petites courtisanes. Comment les appelle-t-on ?