Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/179

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sumer le fade pour s’étonner de l’exquis, n’est-ce pas le meilleur conseil qu’un sage puisse donner aux amants ? Ceux-là seuls ont vécu heureux qui ont su ménager parfois dans leur existence si chère l’inappréciable pureté de quelques jouissances imprévues. »


Le deuxième service touchait à sa fin. On avait servi des faisans, des attagas, une magnifique prophyris bleue et rouge, et un cygne avec toutes ses plumes, qu’on avait cuit en quarante-huit heures pour ne pas lui roussir les ailes. On vit, sur des plats recourbés, des phlexides, des onocrotales, un paon blanc qui semblait couver dix-huit spermologues rôtis et lardés, enfin assez de victuailles pour nourrir cent personnes des reliefs qui furent laissés, quand les morceaux de choix eurent été mis à part. Mais tout cela n’était rien auprès du dernier plat.

Ce chef-d’œuvre (depuis longtemps on n’avait rien vu de tel à Alexandrie) était un jeune porc, dont une moitié avait été rôtie et l’autre cuite au bouillon. Il était impossible de distinguer par où il avait été tué, ni comment on lui avait rempli le ventre de tout ce qu’il contenait. En effet, il était farci de cailles rondes, de ventres de poules, de mauviettes, de sauces succulentes, de tranches de vulve et de hachis, toutes choses dont la présence dans l’animal intact paraissait inexplicable.