Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/185

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— Je prétends, reprit Timon, que la femme mariée, en se dévouant à un homme qui la trompe, en se refusant En tout autre (ou en ne s’accordant que de rares adultères, ce qui revient au même), en donnant le jour à des enfants qui la déforment avant de naître et l’accaparent quand ils sont nés, — je prétends qu’en vivant ainsi une femme perd sa vie sans mérite, et que le jour de son mariage la jeune fille fait un marché de dupe.

— Elle croit obéir à un devoir, dit Naucratès sans conviction.

— Un devoir ? et envers qui ? N’est-elle pas libre de régler elle-même une question qui la regarde seule ? Elle est femme, et en tant que femme, elle est généralement peu sensible aux plaisirs intellectuels ; et non contente de rester étrangère à la moitié des joies humaines, elle s’interdit par le mariage l’autre face de la volupté ! Ainsi une jeune fille peut se dire, à l’âge où elle est toute ardeur : « Je connaîtrai mon mari, plus dix amants, peut-être douze », et croire qu’elle mourra sans avoir rien regretté ? Trois mille femmes pour moi ce ne sera pas assez, le jour où je quitterai la vie.

— Tu es ambitieux, dit Chrysis.

— Mais de quel encens, de quels vers dorés, s’écria le doux Philodème, ne devons-nous pas louer à jamais les bienfaisantes courtisanes ! Grâce à elles nous échappons aux précautions