Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/245

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Un grand cri, poussé aussitôt par mille bouches jusque dans le lointain, salua le pauvre cadavre aperçu au pied d’un arbre.

Mille bras nus s’élevèrent, mille autres ensuite et l’on entendit des voix qui pleuraient :

« Déesse ! pas sur nous ! Déesse ! pas sur nous ! Déesse, si tu te venges, épargne nos vies ! »

Une voix désespérée, convoqua :

« Au Temple ! »

Et toutes répétèrent :

« Au Temple ! Au Temple ! »

Alors un nouveau remous bouleversa la multitude. Sans plus oser regarder la morte qui gisait le dos sur la terre et les bras révulsés derrière le regard, toutes en foule, toutes les courtisanes, et les blanches et les noires, et celles de l’Orient et celles de l’Occident, et les robes somptueuses et les vagues nudités, s’échappèrent entre les arbres, gagnèrent les clairières, les sentiers, les routes, envahirent les vastes places, montèrent l’énorme escalier rose qui rougissait dans l’aube levante et avec leurs frêles poings fermés heurtant les hautes portes de bronze, elles vagirent comme des enfants :

« Ouvrez-nous ! Ouvrez-nous ! »