Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/267

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qu’elle lui supposait n’était pas de celles qui s’éteignent sans retour dans le cœur de l’homme. Les femmes qu’on a beaucoup aimées forment dans la mémoire une famille d’élection et la rencontre d’une ancienne maîtresse, même haïe, même oubliée, éveille un trouble inattendu d’où peut rejaillir l’amour nouveau. Chrysis n’ignorait pas cela. Si ardente qu’elle fût elle-même, si pressée de conquérir ce premier homme qu’elle eût aimé, elle n’était pas assez folle pour l’acheter du prix de sa vie quand elle voyait tant d’autres moyens de séduire plus simplement.

Et cependant… quelle fin bienheureuse il lui avait proposée !

Sous les yeux d’une foule innombrable, porter le miroir antique où Sapphô s’était mirée, le peigne qui avait assemblé les cheveux royaux de Nitaoucrît, le collier des perles marines qui avaient roulé dans la conque de la déesse Anadyomène… Puis du soir au matin connaître éperdument tout ce que l’amour le plus emporté peut faire éprouver à une femme… et vers le milieu du jour, mourir sans effort… Quel incomparable destin ?

Elle ferma les yeux…

Mais non ; elle ne voulait pas se laisser tenter.

Elle monta en droite ligne à travers Rhacotis la rue qui menait au Grand Serapeion. Cette voie, percée par les Grecs, avait quelque chose