Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/283

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casse sur la fontaine, et que la roue casse au puits, avant que la poussière retourne à la terre, d’où elle a été tirée. »


Avec un nouveau frisson elle se redit plus lentement :


« … Avant que la poussière retourne à la terre, d’où elle a été tirée. »


Et comme elle se prenait la tête dans les mains, afin de réprimer sa pensée, elle sentit tout à coup, sans l’avoir prévue, la forme mortuaire de son crâne à travers la peau vivante : les tempes vides, les orbites énormes, le nez camard sous le cartilage et les maxillaires en saillie.


Horreur ! c’était donc cela qu’elle allait devenir ! Avec une lucidité effrayante elle eut la vision de son cadavre et elle fit traîner ses mains sur son corps pour aller jusqu’au fond de cette idée si simple — qui jusqu’ici ne lui était pas venue — qu’elle portait son squelette en elle, que ce n’était pas un résultat de la mort, une métamorphose, un aboutissement, mais une chose que l’on promène, un spectre inséparable de la forme humaine, — et que la charpente de la vie est déjà le symbole du tombeau.

Un furieux désir de vivre, de tout revoir, de