Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peaux nomades devant une caverne écartée où elles pénétraient chaque soir, traînant un grand bouc par les cornes, pour satisfaire à leur passion. À peu de temps de là, la Palestine ayant été conquise par les troupes de Pompée, Chimairis et son amie furent enlevées par des soldats romains, et si brutalement violées par tant d’hommes en une nuit, que la Phénicienne en mourut. La juive avait fait vœu, si elle survivait, d’entretenir sept ans un bouc dans un temple de la déesse, et sortie vivante de ce stupre acharné, elle se vendit aux recruteurs des jardins d’Alexandrie.

Melitta dit toute cette histoire à Démétrios qui n’écoutait pas. Elle ajouta même le récit des malheurs de Chimairis depuis son arrivée au temple, le discrédit jeté sur elle par le bouc noir qui vivait dans sa chambre, le petit nombre des amants à qui ce rival ne répugnait point, la ruine enfin survenue avec la vente de sa maison, et le sort misérable où elle était réduite, de donner en spectacle ses amours bestiales pour gagner les pièces d’argent dont elle avait besoin pour vivre.

Tu peux le lui demander, dit Melitta. Je l’ai payée pour cela, un soir, et bien d’autres courtisanes comme moi. On la loue quelquefois quand on donne une fête. Il paraît que les Trente-Six sont encore bien pis, dans le Cotytteion ; mais dans les jardins c’est assez rare. Tu vois qu’ici aussi nous avons deux morales.