Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/53

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Quand il revit la reine elle-même, il la trouva dépouillée de tout ce qui avait fait son charme. Elle lui suffit encore un temps à tromper ses désirs sans but, mais elle était à la fois trop différente de l’Autre, et trop semblable aussi. Lorsqu’au sortir de ses embrassements elle retombait épuisée et s’endormait sur la place, il la regardait comme si une intruse avait usurpé son lit en prenant la ressemblance de la femme aimée. Ses bras étaient plus sveltes, sa poitrine plus aiguë, ses hanches plus étroites que celles de la vraie. Elle n’avait pas entre les aines ces trois plis minces comme des lignes, qu’il avait gravés dans le marbre. Il finit par se lasser d’elle.


Ses adoratrices le surent, et, bien qu’il continuât ses visites quotidiennes, on connut qu’il avait cessé d’être amoureux de Bérénice. Et autour de lui l’empressement redoubla. Il n’en tint pas compte. En effet, le changement dont il avait besoin était d’une autre importance. Il est rare qu’entre deux maîtresses un homme n’ait pas un intervalle de vie où la débauche vulgaire le tente et le satisfait. Démétrios s’y abandonna ; Quand la nécessité de partir pour le palais lui déplaisait plus que de coutume, il s’en venait à la nuit vers le jardin des courtisanes sacrées qui entouraient de toutes parts le temple.

Les femmes qui étaient là ne le connaissaient