Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/59

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Il ne voulait pas la regarder. Volontairement, il occupa sa pensée à la grande ébauche de Zagreus. Et cependant ses yeux se retournèrent vers la passante.

Alors il vit qu’elle ne s’arrêtait point, qu’elle ne s’inquiétait pas de lui, qu’elle n’affectait pas même de regarder la mer, ni de relever son voile par devant, ni de s’absorber dans ses réflexions ; mais que simplement elle se promenait seule et ne cherchait rien là que la fraîcheur du vent, la solitude, l’abandon, le frémissement léger du silence.


Sans bouger, Démétrios ne la quitta pas du regard et se perdit dans un étonnement singulier.

Elle continuait de marcher comme une ombre jaune dans le lointain, nonchalante et précédée de la petite ombre noire.

Il entendait à chaque pas le faible cri de sa chaussure dans la poussière de la voie.

Elle marcha jusqu’à l’île du Phare et monta dans les rochers.

Tout à coup, et comme si de longue date il eût aimé l’inconnue, Démétrios courut à sa suite, puis s’arrêta, revint sur ses pas, trembla, s’indigna contre lui-même, essaya de quitter la jetée ; mais il n’avait jamais employé sa volonté que pour servir son propre plaisir, et quand il fut temps de la faire agir pour le salut de son carac-