Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/69

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minable, fat, cruel, insensible et lâche ! Je ne sais pas pourquoi l’une de nous n’a pas eu assez de haine pour vous tuer tous deux l’un sur l’autre, toi le premier, et ta reine ensuite. »


Démétrios lui prit tranquillement les deux bras et, sans répondre un mot, la courba en arrière avec violence.

Elle eut un moment d’angoisse ; mais soudain serra les genoux, serra les coudes, recula du dos et dit à voix basse :

« Ah ! je ne crains pas cela, Démétrios ! Tu ne me prendras jamais de force, fussé-je faible comme une vierge amoureuse, et toi vigoureux comme un Atlante. Tu ne veux pas seulement ta jouissance, tu veux la mienne surtout. Tu veux me voir aussi, me voir tout entière, parce que tu me crois belle, et je le suis en effet. Or la lune éclaire moins que mes douze flambeaux de cire. Il fait presque nuit ici. Et puis ce n’est pas l’habitude de se dévêtir sur la jetée. Je ne pourrais plus me rhabiller, vois-tu, si je n’avais pas mon esclave. Laisse-moi me relever, tu me fais mal aux bras. »


Ils se turent quelques instants, puis Démétrios reprit :

« Il faut en finir, Chrysis. Tu le sais bien, je ne te forcerai pas. Mais laisse-moi te suivre. Si orgueil-