Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/80

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As-tu besoin d’un souvenir de moi quand tu m’as tout entière et vivante ? À peine suis-je au temps où les filles se marient, et cependant je n’avais pas la moitié de mon âge le jour où je t’ai vue pour la première fois. Tu te rappelles bien. C’était au bain. Nos mères nous tenaient sous les bras et nous balançaient l’une vers l’autre. Nous avons joué longtemps sur le marbre avant de remettre nos vêtements. Depuis ce jour-là nous ne nous sommes plus quittées, et, cinq ans après, nous nous sommes aimées. »

Myrtocleia répondit :

« Il y a un autre jour, Rhodis, tu le sais. C’est ce jour-là que tu avais écrit ces trois mots sur mes tablettes en mêlant nos noms l’un à l’autre. C’était le premier. Nous ne le retrouverons plus. Mais n’importe. Chaque jour est nouveau pour moi, et quand tu t’éveilles vers le soir, il me semble que je ne t’ai jamais vue. Je crois bien que tu n’es pas une fille : tu es une petite nymphe d’Arcadie qui a quitté les forêts parce que Phoïbos a tari sa fontaine. Ton corps est souple comme une branche d’olivier, ta peau est douce comme l’eau en été, l’iris tourne autour de tes jambes et tu portes la fleur de lôtos comme Astarté la figure ouverte. Dans quel bois peuplé d’immortels ta mère s’est-elle endormie, avant ta naissance bienheureuse ? et quel aegipan indiscret, ou quel dieu de quel divin fleuve s’est uni à elle dans