Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/126

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frappant du talon les planches de la scène, ou faisant crépiter ses doigts à l’extrémité du geste, comme pour donner le cri de la vie à chacun de ses bras onduleux.


Je la vois : elle sortait de scène dans un état d’excitation et de lassitude qui la faisait encore plus belle. Son visage empourpré était couvert de sueur, mais ses yeux brillants, ses lèvres tremblantes, sa jeune poitrine agitée, tout donnait à son buste une expression d’exubérance et de jeunesse vivace : elle était resplendissante.


Pendant un mois, il en fut ainsi de nos relations. Elle me tolérait dans l’arrière-boutique de son estrade théâtrale. Je n’avais pas même le droit de l’accompagner à sa porte, et je ne gardais ma place auprès d’elle qu’à la condition de ne lui faire aucun reproche, ni sur le passé, ni sur le présent. Quant à l’avenir, j’ignore ce qu’elle en pensait ; pour moi, je n’avais nulle idée d’une solution quelconque à cette aventure pitoyable.


Je savais vaguement qu’elle habitait avec sa mère — dans l’unique faubourg de la ville, près de la plaza de Toros, — une grande maison blanche et verte qui abritait aussi les familles de six autres bailerinas. Ce qui se passait dans une telle cité de femmes, je n’osais l’imaginer. Et pourtant, nos