Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/92

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Je la pressai de questions. Qu’avait-elle fait ? Pourquoi ce départ précipité ? Si elle m’avait parlé, j’aurais obéi. Mais partir ainsi, après une simple lettre et si cruellement !

Elle me répondit :

« C’est de votre faute. »

J’en convins. Que n’aurais-je pas avoué ! Et je me taisais.

Pourtant je voulais savoir. Qu’était-elle devenue depuis de si longs mois ? D’où venait-elle ? Depuis quand était-elle dans cette maison grillée ?


— Nous sommes allées d’abord à Madrid, puis à Carabanchel où nous avons des parents. De là, nous sommes revenues ici, et me voilà.

— Vous habitez toute la maison ?

— Oui. Elle n’est pas grande, mais c’est encore beaucoup pour nous.

— Et comment avez-vous pu la louer ?

— Grâce à vous. Maman faisait des économies sur tout ce que vous lui donniez.

— Cela ne durera pas longtemps…

— Nous avons encore de quoi vivre ici honnêtement pendant un mois.

— Et après ?

— Après ? Est-ce que vous croyez sérieusement, mon ami, que je serai embarrassée ?

Je ne répondis rien, mais je l’aurais tuée de tout mon cœur.