Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/32

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l’anime. Votre joue rougit, c’est lui qui la touche. C’est lui qui vous faire sourire et lui qui vous fait soupirer. Quelle que soit la pensée qui vous laisse émue, si vous frémissez, c’est qu’il est là. Quand vous écoutez les violons qui vous plaisent, vous aimez. Quand vous respirez le parfum qui vous attire, vous aimez. Quand vous admirez le couchant sur le fleuve, le jour sur la mer, le printemps dans la plaine ou l’automne dans les bois ; c’est lui qui métamorphose toute la nature étrangère, la rend émouvante comme la passion humaine et l’accorde à votre passion. Il est le Sang merveilleux qui vous fait comprendre les murmures de la forêt avec la voix des oiseaux. Il est tout ce qui vous exalte au-dessus des réalités, tout ce qui vous entraîne au delà des rêves. N’essayez pas de le fuir, il est tout-puissant : il a plus que la joie et plus que la douleur dans les mains. Jamais il ne vous dit son nom, mais il est votre amant comme il est votre maître. Rien ne peut arrêter son approche ardente. Quand vous sentez en vous toute votre jeunesse qui gonfle votre sein et brûle vos lèvres, c’est lui qui vous transfigure ; et dans votre lit noir, entre vos bras, Psyché, quand vous avez éteint la dernière lumière, c’est lui qui vous écoute pleurer. »

Elle laissa tomber son visage dans ses doigts fléchissants. Il prit doucement l’autre main qui semblait couchée au creux de la jupe, et mit un genou sur le banc de pierre.