Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/36

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— N’y comptez pas.

— L’auto suivra dans les bagages et nous amènera demain matin sur une terre où rien ne se fera que sous votre volonté, où je ne vous suivrai même que si vous le voulez bien. Vous m’avez dit tout à l’heure : il y a d’autres voies à l’exaltation que celle des sens. Vous en déciderez selon le conseil du printemps. Nous avons compris aujourd’hui que les mêmes émotions nous frappent ensemble et que des choses éternelles nous rapprochent à travers la vie. Vous m’avez donné votre amitié : je ne prétends qu’à elle pour vous supplier de partir ce soir, de ne pas jeter nos destinées à tous les périls de l’espérance et de l’avenir inaccessible.

— Je n’aurai jamais d’amant. Je me le suis juré.

— Mon bonheur n’a besoin que de votre présence.

— Aux yeux du monde, ma présence ou mon amour seraient jugés par les mêmes mots. »

Le jeune homme bondit.

« Aux yeux du monde ! Voilà ce que j’entends de votre bouche à la fin d’une pareille scène ! Vous êtes jeune, vous êtes maîtresse de vous, toute la franchise est dans vos yeux, toute la loyauté dans votre main, et vous me laissez croire que je vous entraînerais si Mme X…, qui a eu dix amants, ne devait pas s’offusquer du vôtre ! Voilà le dernier argument que vous me réserviez, la barrière infranchissable derrière laquelle vous me répondez