Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/80

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serait pas accompli. L’ombre du remords avait plané sur elle et s’envolait enfin sans l’avoir touchée. Désormais à l’abri du péril inconnu elle voulait se persuader que tout serait bien ainsi ; mais avec ses appréhensions elle avait perdu cet émoi, ce frisson, cette ferveur intime, qui naguère animait son être et qui était pour elle le goût à la vie.

Rentrée dans sa maison vide, elle dit à sa femme de chambre avec un geste d’indifférence :

« Blanche, faites mon sac de toilette, un carton de chapeaux, et une seule malle de robes. Je pars ce soir pour l’Italie. Vous choisirez vous-même dans la penderie et dans les armoires le linge et les robes qu’il me faut. Je ne m’occuperai de rien. Allez. »

Puis elle monta chez elle. Huit petits bleus à écrire pour se dégager de huit invitations acceptées ; cinq ou six billets pour prévenir ses amies les plus proches : il ne fallait pas que ce départ si brusque, étant tout le contraire d’une fugue amoureuse, pût en prendre l’apparence…

Mais comme elle s’approchait de son petit bureau blanc, elle trouva une lettre sans timbre sur le maroquin du buvard.

L’écriture ? Elle ne la connaissait pas.

Psyché blêmit tout à coup.

« C’est de lui, se dit-elle. En effet… Il avait dit qu’il m’écrirait. »

Elle s’en alla jusqu’à l’extrémité de la chambre ; elle voulut sortir ; mais elle pâlissait tant… et se