Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/82

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d’une amie qui partirait, et vous resterez, je le sais bien. Elle partirait spontanément, comme si c’était l’idée la plus simple du monde que d’aller où le printemps l’appelle et d’y conduire un cavalier. Elle aurait fait retenir pour elle le petit compartiment B dans le train de 9 h. 32 qui mène à Sainte-Anne-des-Bois, sur la ligne de Douarnenez, et elle me permettrait de lui donner la main, pour monter en wagon, ou pour en descendre… Ce sont des imaginations… Laissez-les-moi tout un jour. Je vous aime comme un insensé. Jusqu’au dernier moment je croirai que vous êtes en route, que votre voiture s’arrête, que vous arrivez dans la foule, que vous êtes là, derrière la vitre. Je resterai caché près de votre place vide pour que nul ne me voie vous attendre, et quand le train m’emportera sans vous, alors seulement j’oserai pleurer toute ma part de bonheur, perdue. »

« Hélas ! et la mienne ? dit Psyché en sanglotant dans ses mains. Ma pauvre petite part de bonheur ici-bas, que je n’ai jamais touchée ni même entrevue, mais dont l’espoir m’aidait à vivre, est-ce aujourd’hui que je passe à côté d’elle et que je la perds pour toujours ? »

Un long remous de conscience agita encore sa volonté désemparée. Cent choses que lui avait dites Aimery pour essayer de la convaincre passaient pèle-mêle dans son petit esprit avec une force de persuasion qu’elle leur avait mal reconnue. Oui, ce