une perfection ? Et lorsqu’une jeune fille comme celle-là-vous aime, n’est-on pas en droit d’avoir le cœur gonflé d’orgueil et de bonheur et de le dire à son journal ?
Eh bien, oui ! je l’aime ! Et je prévois que dans trois ans d’ici[1], quand j’aurai quitté le collège et que je la reverrai à quinze ans avec toute la beauté qu’elle promet d’avoir, quand au lieu d’une enfant, d’une pensionnaire, j’aurai une femme devant moi, une jeune fille grande, aux yeux profonds, aux cheveux superbes, à la figure resplendissante, quand ma Jeannette ainsi transfigurée m’aimera, me le laissera voir, frissonnera à mon approche, ô mon Dieu, mon Dieu ! quel brasier j’aurai dans le cœur !
Oh ! quelle joie j’aurai ce jour-là[2], quand mon rêve se sera réalisé, quand j’aurai une jeune fille ! à adorer, jolie, bonne, et qui m’aimera. Mon Dieu que je serai heureux !
Et plus tard… qui sait ? Si je l’épousais ? Elle a cinq ans de moins que moi, elle m’aime, je l’aime, eh bien, pourquoi pas ?
Et peut-être rien de tout cela. Peut-être mourra-t-elle, la pauvre chérie. Peut-être sera-ce moi qui m’en irai trop tôt…