Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/168

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Un corps d’une grâce ! Et je lui parlais, et je lui disais « vous ». Ce que nous disions, je ne le sais plus guère, mais peu à peu nous nous sommes dit « tu ». Et, au moment où elle se penchait sur mon lit pour me dire adieu, une envie folle me vint de l’embrasser, mais je n’osais. Et ce fut elle qui m’embrassa la première, si doucement ! Je la saisis, l’embrassai toute souriante, plusieurs fois… et elle me le rendit, ce qui m’éveilla.

Et, depuis le matin, dans mes yeux sa silhouette aimante, et dans le cœur, le désir de ses lèvres rouges, si douces.

Et, depuis le matin, je la vois, penchée vers moi, la tête en avant et ses cheveux dans les yeux, m’embrassant… Oh ! quelle joie !


Ô toi que je n’ai jamais vue[1],
Qui jamais ne m’es apparue
Et qui m’es pourtant bien connue,
   Ô toi !
Fillette à la lèvre ingénue,
Ma maîtresse tant attendue,
Qu’en mes rêves je presse nue
   Sur moi.

  1. Relu le 8 juin 89. Et dire que c’est en lisant ces mirlitonnades que Givierge enthousiasmé, m’a dit, les yeux brillants : « Tu seras un poète, Louis ! » Si on ne se base que ci-dessus pour ces prédictions-là ! — Et pourtant c’est mal de rire de moi-même ; j’étais si sincère, et si heureux en écrivant cela !