Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oh ! non… non… Pas si haut. Dieu ! que je suis orgueilleux, et fat, et vain surtout.

Tout ce que je voudrais (et c’est le monde que cela), ce serait de faire un jour… plus tard… une cinquantaine de jolies poésies… point transcendantes, point philosophiques, sans prétention aux rimes riches, aux rythmes savants. (La France a assez des Banville. Un Musset serait le bienvenu.) Je ferais « rimer idée avec fâchée ». Qu’importe ! Sottises que cela. C’est l’harmonie du vers qui fait tout, avec l’émotion de la pensée. Je voudrais donc avoir fait, quand je mourrai, cinquante jolies choses, groupées sans ordre dans un petit volume de poche in-32, et que ce recueil, tout moi, tout mon être, ce recueil fût feuilleté, et lu, et relu le matin d’un jour d’avril, par quelque jeune fille aimante et douce attardée au lit, et qui en retourne les feuillets dans l’odeur chaste de ses draps blancs. Je voudrais que cette jeune fille, émue par mes vers, mes idées, oh… que cette jeune fille dise : Non, que cela est beau ! mais, que cela est joli ! et que, vaguement émue, troublée peut-être, rêvant on ne sait quoi, laissant errer dans l’incertain la « langueur tranquille de ses yeux », la tête encore bourdonnante des vers aimants qu’elle a lus, elle songeât peut-être un peu à celui qui les a faits[1].

  1. C’est égal, mon idéal a fait de jolis progrès depuis. J’étais propre dans ce temps-là ! avril 90. — Je suis pourtant revenu de ces idées-là. Déc. 97.