Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/238

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mieux en français, à douze ans, que moi, garçon, à dix-sept, et Français.

Un naturel, une vérité ! et cette faculté extraordinaire qu’elle avait de fouiller ses pensées, de démêler les idées qu’elle avait de celles qu’elle voulait avoir, et d’exprimer si clairement, si simplement, les moindres détails, les nuances les plus délicates de ses sentiments.

Comme je suis loin de tout cela ! Quelle lourdeur, quelle gaucherie, quelle vulgarité !

Il faut avouer aussi qu’elle travaillait son journal, qu’elle pesait ses mots et construisait ses phrases, tandis que moi, je ne fais rien de tout cela. J’écris absolument ce qui me vient à l’esprit, sans chercher, souvent sans me relire, et sans jamais me corriger.

Me corriger ! J’ai horreur de cela. Pour mes devoirs de style, pour mes vers, je cherche davantage, mais reprendre les phrases écrites, changer les mots, intervertir les idées, quel travail de manœuvre ! Je ne me corrige que quand c’est absolument indispensable, mais, dès que je me suis décidé à écrire un vers et que ce vers n’est pas ridicule, eh bien, je le laisse, mon Dieu, voilà tout !


5 h. du soir.

Je voudrais être en littérature ce que Massenet