Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on leur a prouvé qu’elles ne voyaient pas clair ? Est-ce bien la peine de se donner tant de mal ?

Non. Je me figure qu’il n’y a de vraiment utile en ce monde que le superflu. Puisque le but de la vie pour l’homme c’est d’être heureux, eh bien ! tâchons de rendre heureux nos semblables en nous rendant heureux nous-mêmes. Qu’est-ce que cela me fait que Clotaire III soit le fils de Chilpéric II ou de Mérovée V ? À quoi ça pourra-t-il me servir dans la vie ? Au contraire, quel plaisir quand je lis l’Invocation à la Lune de Salammbô ! Tout le jour je suis heureux. Eh bien ! n’est-ce pas utile d’être heureux toute une journée ? Y a-t-il donc dans la vie tant de journées où l’on est heureux ?

Je disais donc que si j’avais le talent de Renan, je ne me fatiguerais pas à éclairer mes contemporains, persuadé que je serais que c’est le meilleur moyen de ne servir à rien. Je ferais des récits, des nouvelles, sur l’histoire ancienne du Midi et de l’Orient, que je rajeunirais le plus possible. Enfin, ce que Thierry a fait dans ses Temps mérovingiens, ce que Flaubert a fait dans Salammbô, mais sans pédanterie, sans prétentions historiques[1].

J’ai dit que je ferais des nouvelles. C’est que je

  1. Ainsi, six mois à peine après ma première idée de vocation littéraire, j’avais déjà fixé la voie que j’ai suivie. C’est très curieux. (Déc. 97.)