Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/275

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suis le sphinx hermaphrodite qui crée hors de lui-même une Chimère pour lui seul. Je n’aspire que vers l’Idéal, et l’Idéal surgit de mes pensées. Je ne prendrai pas parmi les femmes de chair une fille privilégiée pour m’adorer en elle. Je ne m’aveuglerai pas jusqu’à voiler ses vices. Je ne gâterai pas mon art jusqu’à la parer, comme une idole orientale, de mon imagination resplendissante. Celle que j’aimerai sera sortie de moi ; ma Béatrice n’aura pas d’original ; je passerai ma vie en contemplation devant l’idéal par moi créé, Comme un Zeus éternellement vierge en face d’Athénée.

« Accueille tes pensées comme des hôtes et tes désirs comme des enfants. » Je ne me reconnais d’autres désirs que ceux qui ont pour fin un plaisir esthétique. Puisque je ne veux pas avoir conscience de mon corps, mon âme tend avec liberté vers un but inflexible : l’Idéal du Beau. C’est un pôle qui ne variera pas, et j’officierai comme les prêtres, dans mon intime cathédrale, tourné vers le soleil levant.

Père, je t’ai dit la règle de ma vie. Tu le vois, dans la recherche du bonheur, j’ai suivi la méthode stoïcienne puisque je ne désire rien d’étranger ; c’est la seule qui soit assurée. Le fondement de ma morale est excellent aussi. J’ai suivi la méthode des mystiques qui enseignaient l’extase perpétuelle vers l’idéal divin, disant : « Qu’importe