Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/287

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ou à Sienne, et nous nous extasierons ensemble devant les tableaux inconnus.

Et dans l’orgue, pendant la messe, ce sera le prélude de Parsifal !


Lundi, 28 avril, 7 h. soir.

Elle ne sait pas que je viendrai la voir. Si elle a vu que je pensais à elle, si elle-même, quelque temps, elle a pensé un peu à moi, aujourd’hui sans doute je suis effacé de sa mémoire.

Mettons les choses au mieux : je suppose qu’elle ait été jusqu’à m’aimer : un jour ou deux elle aura été triste, mais mon souvenir se sera troublé lentement en elle, et n’ayant rien pour entretenir le penchant qu’elle a eu pour moi, n’ayant personne à qui l’avouer, n’ayant pas même l’espoir de me revoir bientôt, sa vie ordinaire l’aura reprise, et je suis sans nul doute oublié.

Que pensera-t-elle quand elle saura que je vais la voir, quand un voyage de six cents lieues lui aura donné l’évidente preuve que je ferais tout pour la revoir un jour ? Sera-t-elle touchée de cette persévérance, et de la trace profonde, ineffaçable que sa voix a gravée au fond de ce que j’ai de plus intime ? Sera-t-elle heureuse d’être seule à connaître cet amour caché pour le monde ?

Oh ! je ne sais si elle m’a aimé le premier jour, mais j’ai du moins ceci de certain, c’est que je lui