Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/289

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gauche, et elle semblait presque fâchée que je ne me fusse pas adressé à elle, comme à un garçon.

Et maintenant elle n’est plus là, je ne la vois plus, je ne l’entends plus… Pendant cinq semaines encore je vais me lamenter loin d’elle, sans pouvoir contenter une minute le désir que j’ai de ses yeux. Loin d’elle, ignoré d’elle, nul moyen de lui dire ma peine…


J’ai d’inexprimables tendresses
Et je tends les bras…


Mardi, 29 avril, 4 h.

La semaine est complète depuis le jour où je l’ai quittée, depuis le jour où je sais que je l’ai vue… Une semaine seulement ! Le temps ne passe donc pas ? Faut-il donc attendre un mois encore, plus peut-être, avant de confondre enfin nos regards, qui, à cent lieues de distance, se cherchent l’un l’autre ?

Si je pouvais lui faire savoir que je tremble des pieds à la tête rien qu’à prononcer son nom ; que trois jours passés auprès d’elle ont troublé ma vie au point que je ne me reconnais plus, qu’elle a suffi à elle seule à effacer dans mon esprit la préoccupation constante de l’avenir, la poursuite anxieuse de l’émotion esthétique, tout ce qui faisait ma vie, enfin ; qu’elle a fait dévier brusque-