Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/296

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homme est entré, avec des yeux clairs, des paupières rouges, des joues pâles, épaules carrées, grand et maigre, corps, silhouette de poitrinaire.

Au bout de quelque temps, en le voyant parler à Mallarmé avec une jeunesse, une animation extraordinaires, je demande à Tausserat : « Qui est-ce ? — Darzens. — Comment, c’est Darzens ? » Et me voilà enchanté. Il me ravissait, celui-là.

À la sortie, Tausserat me présente, et aussitôt nous devenons amis. Il m’a conduit dans un café où nous avons trouvé sa maîtresse qui l’attendait, une petite brune charmante, en noir, avec un chapeau de paille blanc, et une mèche raide au milieu du front. Nous avons parlé poésie pendant une heure et demie ; il éreintait Heredia, Musset, Coppée, Mendès, Ghil, Kahn, Rodenbach. Seuls Mikhaël et parfois Régnier trouvaient grâce.

Il a une chic tête et une bonne voix. Je ne le lâche pas.

Et nous avons parlé de l’ennéasyllabe[1] !


Samedi, 19 juillet.

J’ai revu Darzens deux fois depuis. Trois jours après notre rencontre chez Mallarmé je suis allé

  1. Je ne m’étais nullement trompé, c’est Darzens qui ne s’est pas connu. Il y avait en lui un germe de grand poète et il ne s’en est pas vanté. — 1918.