Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Dieu a mis au cœur de ses élus le sentiment palpitant de l’émotion artistique vers un idéal qu’ils soupçonnent sans le voir, et qu’ils n’osaient encore appeler Dieu. Or, c’est Dieu, je viens vous l’apprendre, dirait l’envoyé paradisiaque. C’est Dieu qui vous inspire cette émotion douloureuse et douce, et c’est vers Dieu qu’elle retourne, car Dieu est la cause et l’effet de soi-même et des parcelles de Lui passent dans le cœur des hommes. Bienheureux ceux qui admirent, car, ils seront appelés les enfants de Dieu ! Bienheureux ceux qui souffrent pour la beauté, car de leur religieuse douleur il naîtra des torrents de joie ! Bienheureux ceux qui sacrifient les réalités palpables pour le fugitif et tremblant idéal, car lui seul subsiste dans la pourriture des choses et son éternité c’est le paradis pour les esthètes ! Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la beauté, car ils verront la beauté divine ! Bienheureux serez-vous quand on vous outragera, qu’on vous persécutera, qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de moi : car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes ! Et heureux, heureux ceux qui ont le cœur pur : toute la beauté c’est leur âme. — Vous avez appris qu’il a été dit : Les forêts sont belles, les nuits sont splendides. Mais moi je vous dis : quiconque voit les montagnes vêtues de sapins ou le ciel transpercé d’étoiles, sans être ému depuis la première heure, est indigne de porter le nom