Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/337

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ne s’accorde pas toujours. Les éloges qu’il a faits au sonnet de Valéry, les critiques qu’il a formulées sur ma quinzaine : « Ô gloire, ô nuit des eaux ! » tout cela était très justement dit. Il prétend que l’apostrophe ne doit jamais commencer une pièce, mais éclater après un développement. Il a parfaitement raison.

Ce qu’il y a d’exquis, c’est de l’entendre parler des autres. Jamais il ne dit de mal de personne. Pauvre homme ! comme on le lui rend !

Nous avons parlé art. Il m’a dit à peu près ceci : « Pour justifier la direction de ma vie, je cherche toujours la littérature dans l’art, et j’ai la même impression devant un tableau que devant un sonnet où serait traité le même sujet. » Il a dans sa salle à manger le Hamlet de Manet et un paysage de Claude Monet qui est pour lui le plus grand peintre vivant. Il dit être heureux de ne pas savoir de musique, et que cela lui permet de mieux comprendre Wagner. Il croit que nous touchons à une période absolue pour tous les arts, où chacun aura dit son dernier mot, et comme je lui disais que cela tenait peut-être au naturalisme, qui en ramenant les artistes aux types réels avait permis une renaissance d’idéal jeune et de symboles nouveaux, il m’a répété plusieurs fois que c’était vrai, et que si le naturalisme avait échoué lui-même, il n’en avait pas moins eu une influence très précieuse, par contraste et réaction.