Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/353

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des flatteries ? un compliment banal ? c’est à cela que son amitié se reprenait ? Et tant de soirées passées l’un près de l’autre à parler des choses très chères, tant de plaisirs mis en commun, tant de projets formés ensemble, il n’y avait plus rien de tout cela ?

Désormais serait-il donc ainsi ? Tourmenté du désir d’imiter Flaubert, d’imiter Gautier, dans leur vie, dans leur démarche, dans leurs habitudes, ne le verrais-je plus jamais être lui-même, et me parler sans se préoccuper de ce que la postérité dirait de nos relations ? Ah ! quelle pitié que cet orgueil anticipé ! Envers le public, quelle grandeur, quand on est Flaubert ; mais pour un ami, quelle dérision ! Je voudrais que Gide relise ses lettres à Bouilhet ; et qu’il voie si cela ressemble à notre correspondance.

Et peu à peu, la teinte dominante de son caractère m’apparaissait : l’Égoïsme. Lui, rien que lui. Tout ce qui ne se rapportait pas à lui était indifférent. Je n’avais pas souvenir d’un service rendu par lui dans le seul but de m’être utile, ni d’une attention à mon égard dans le seul but de me faire plaisir. Je me disais que si je n’étais rien, si je n’avais pas eu l’ombre d’avenir, il m’aurait regardé quelque temps, puis il aurait passé, comme il va faire pour Bérard, comme il a fait pour d’autres. Il ne songeait qu’à tirer profit de notre amitié, qu’à l’attirer tout entière à lui. Rien ne