Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/363

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dit cela. Au fond, je m’amusais beaucoup, j’étais absolument le point de mire de la salle, et pour un motif que je jugeais très louable, ce qui ne pouvait que m’être très agréable ; de plus, tous les poings, toutes les cannes étaient tendus vers moi, ce qui ajoutait à l’intérêt un brin d’émotion et la perspective d’un assommage possible ; c’était très intéressant.

Quand je suis monté au foyer à l’entr’acte, on ne parlait que de moi, en exagérant naturellement l’incident : « Avez-vous vu ce jeune homme, comme ils l’ont roué de coups ? » Et devant une loge, des jeunes filles avec leur mère : « Oh ! ce pauvre jeune homme, ils étaient tous à l’injurier… mais c’est qu’il n’était pas mal, l’as-tu vu ? aussi, pourquoi sifflait-il. » D’autres me reconnaissaient : « Tenez, tenez, voilà le jeune homme qui sifflait ! celui-là qui passe. » Enfin, un monsieur m’aborde : « Vous faisiez joliment bien de siffler, Monsieur ! tous ces messieurs le disaient bien, ils n’ont pas le droit de vous en empêcher. Et puis, il faut un certain courage. Ah ! je ne suis pas pour la terreur rouge, certes non ! certes non ! mais tous ceux-là qui applaudissent, si on leur mettait sous les yeux la terreur blanche, ah ! il faudrait les voir, etc., etc ». Je riais en moi-même à me tenir les côtes.

Et ce n’était pas fini ! Au second acte, les sifflets ont redoublé, et au troisième, pendant une nouvelle tirade de Coquelin, ils ont repris avec une