Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/46

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la vue. Écœuré, on veut regarder le paysage. Ah bien oui ! Les quais de Javel avec leurs tas de sable, les petits cafés-concerts d’Auteuil avec leurs musiques criardes, voilà toute la rive. Et sur la Seine, des cocottes en yacht, avec des poses de couturières. Quelle traversée !

Quant au Bois, le dimanche, il n’y a qu’une avenue de jolie, c’est l’allée des Acacias. Quelques beaux landaus, quelques belles toilettes, et çà et là une jolie femme, c’est bien suffisant. Mais impossible de s’aventurer dans le reste du Bois, impossible de s’isoler même pour des raisons particulières. Pas une pelouse qui n’ait sa famille d’employés jouant au ballon, pas une clairière qui n’ait un déjeuner sur l’herbe, pas un buisson qui n’abrite son couple d’amoureux. C’est curieux, après tout. Quelques-uns même se livrent à des occupations plus intimes : un commis avait la tête appuyée sur les genoux de sa fille qui lui cherchait ses poux. Touchante sollicitude ! Les singes du Jardin des Plantes ne se conduisent pas autrement.

Et puis des plaisanteries partout. Et fines, et délicates ! Un petit employé de magasin donne le fouet à une de ses amies : « Vous savez, dit-elle, il y a des ressorts. » Puis, comme si on n’avait pas compris : « Il y a des ressorts ! Il y a des ressorts ! » Et elle le répète six fois en riant aux éclats de son bon mot.