Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/186

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moi-même, de soie jaune et d’or et d’argent.

« Mais non, tu es le plus beau et le plus froid des hommes. Tu n’aimes personne, tu te laisses aimer, tu te prêtes, par charité pour celles que tes yeux mettent en amour. Tu permets que je prenne mon plaisir de toi, mais comme une bête se laisse traire : en regardant autre part. Tu es plein de condescendance. Ah ! Dieux ! Ah ! Dieux ! je finirai par me passer de toi, jeune fat que toute la ville adore et que nulle ne fait pleurer. Je n’ai pas que des femmes au palais, j’ai des Éthiopiens vigoureux qui ont des poitrines de bronze et des bras bossués par les muscles. J’oublierai vite dans leurs étreintes tes jambes de fille et ta jolie barbe. Le spectacle de leur passion sera sans doute nouveau pour moi et je me reposerai d’être amoureuse. Mais le jour où je serai certaine que ton regard absent ne m’inquiète plus et que je puis remplacer ta bouche, alors je t’enverrai du haut du pont des Hermès rejoindre mes colliers et mes bagues comme un bijou trop longtemps porté. Ah ! être reine ! »


Elle se redressa et sembla attendre. Mais