Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/188

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matin, Artémis quittait l’Olympe, son chemin n’était jamais celui qui l’aurait menée vers le Nord. Les guerres qui se livraient là n’inquiétaient pas Arès. L’absence de flûtes et de cithares en détournait Apollon. La triple Hécate y brillait seule, comme un visage de méduse sur un paysage pétrifié.

« Or un homme y vint habiter, qui était d’une race plus heureuse et ne marchait pas vêtu de peaux comme les sauvages de la montagne.

« Il portait une longue robe blanche qui traînait un peu derrière lui. Par les molles clairières des bois il aimait à errer la nuit dans la lumière de la lune, tenant à la main une petite carapace de tortue où étaient plantées deux cornes d’aurochs entre lesquelles trois cordes d’argent se tendaient.

« Quand ses doigts touchaient les cordes, une délicieuse musique y passait, beaucoup plus douce que le bruit des sources ou que les phrases du vent dans les arbres ou que les mouvements des avoines. La première fois qu’il se mit à jouer, trois tigres couchés s’éveillèrent, si prodigieusement charmés qu’ils ne lui firent aucun mal, mais s’approchèrent