Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/283

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marbre rose, dans un lieu écarté, au sommet des jardins. Une longue aiguille d’or traversait le sein gauche ; la blessure n’avait pas saigné ; mais l’assassin avait coupé tous les cheveux de la jeune femme, et emporté le peigne antique de la reine Nitaoucrît.

Après les premiers cris d’angoisse, une stupeur profonde plana. La multitude grossissait d’instant en instant. La ville entière était là, mer de têtes nues et de chapeaux de femmes, troupeau immense qui débouchait à la fois de toutes les rues pleines d’ombre bleue dans la lumière éclatante de l’Agora d’Alexandrie. On n’avait pas vu pareille affluence depuis le jour où Ptolémée Aulète avait été chassé du trône par les partisans de Bérénice. Encore les révolutions politiques paraissaient-elles moins terribles que ce crime de lèse-religion, dont le salut de la cité pouvait dépendre. Les hommes s’écrasaient autour des témoins. On demandait de nouveaux détails. On émettait des conjectures. Des femmes apprenaient aux nouveaux arrivants le vol du célèbre miroir. Les plus avisés affirmaient que ces deux crimes simultanés s’étaient faits par la même main. Mais laquelle ? Des filles, qui