Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/293

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t’empêcherai, Chrysis, de me désillusionner.

— Et moi, dans tout cela, que fais-tu de moi, moi qui t’aime encore malgré les horreurs que j’entends de ta bouche ? Ai-je eu conscience de ton odieux rêve ? Ai-je été de moitié dans ce bonheur dont tu parles, et que tu m’as volé, volé ! A-t-on jamais ouï dire qu’un amant eût un égoïsme assez épouvantable pour prendre son plaisir de la femme qui l’aime sans le lui faire partager ?… Cela confond la pensée. J’en deviendrai folle. »


Ici Démétrios quitta son ton de raillerie, et dit, d’une voix légèrement tremblante :

« T’inquiétais-tu de moi quand tu profitais de ma passion soudaine pour exiger, dans un instant d’égarement, trois actes qui auraient pu briser mon existence et qui laisseront toujours en moi le souvenir d’une triple honte ?

— Si je l’ai fait, c’était pour t’attacher. Je ne t’aurais pas eu si je m’étais donnée.

— Bien. Tu as été satisfaite. Tu m’as tenu, pas pour longtemps, mais tu m’as tenu néanmoins, dans l’esclavage que tu voulais. Souffre qu’aujourd’hui je me délivre !