Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/30

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mait seule dans leur chambre pour d’interminables heures. Elle se rappelait aussi la fenêtre ronde par où elle voyait les eaux du lac, les champs bleuâtres, le ciel transparent, l’air léger du pays de Gâlil. La maison était environnée de lins roses et de tamaris. Des câpriers épineux dressaient au hasard leurs têtes vertes sur la brume fine des graminées. Les petites filles se baignaient dans un ruisseau limpide où l’on trouvait des coquillages rouges sous des touffes de lauriers en fleur ; et il y avait des fleurs sur l’eau et des fleurs dans toute la prairie et de grands lys sur les montagnes.


Elle avait douze ans quand elle s’échappa pour suivre une troupe de jeunes cavaliers qui allaient à Tyr comme vendeurs d’ivoire et qu’elle aborda devant une citerne. Ils paraient des chevaux à longue queue avec des houppes bigarrées. Elle se rappelait bien comment ils l’enlevèrent, pâle de joie, sur leurs montures, et comment ils s’arrêtèrent une seconde fois pendant la nuit, une nuit si claire qu’on ne voyait pas une étoile.

L’entrée à Tyr, elle ne l’avait pas oubliée