Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/339

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« Je ne sais pas si j’oserai la voir, dit-elle. Je l’aimais bien, Myrto… J’ai peur… Entre la première, veux-tu ? »

Myrtocleia poussa la porte ; mais dès qu’elle eut jeté les yeux dans la chambre, elle cria :

« N’entre pas, Rhodis ! Attends-moi ici.

— Oh ! qu’y a-t-il ? Tu as peur aussi… Qu’y a-t-il sur le lit ? Est-ce qu’elle n’est pas morte ?

— Si. Attends-moi… Je te dirai… Reste dans le couloir et ne regarde pas. »


Le corps était demeuré dans l’attitude délirante que Démétrios avait composé pour en faire la Statue de la Vie Immortelle. Mais les transports de l’extrême joie touchent aux convulsions de l’extrême douleur, et Myrtocleia se demandait quelles souffrances atroces, quel martyre, quels déchirements d’agonie avaient ainsi bouleversé le cadavre.

Sur la pointe des pieds, elle s’approcha du lit.

Le filet de sang continuait à couler de la narine diaphane. La peau du corps était parfaitement blanche ; les bouts pâles des seins étaient rentrés comme des nombrils délicats ; pas un reflet rose n’avivait l’éphémère statue