Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/350

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du cadavre. Quand elle vit arriver Timon, elle supplia :

« Ne le dis pas ! Nous l’avons volée pour sauver son ombre. Garde notre secret, nous t’aimerons bien, Timon.

— Soyez rassurées, » dit le jeune homme.

Il prit le corps sous les épaules et Myrto le prit sous les genoux, et ils marchèrent en silence et Rhodis suivait, d’un petit pas chancelant.

Timon ne parlait point. Pour la seconde fois en deux jours, la passion humaine venait de lui enlever une des passagères de son lit, et il se demandait quelle extravagance emportait ainsi les esprits hors de la route enchantée qui mène au bonheur sans ombre.

« Ataraxie ! pensait-il, indifférence, quiétude, ô sérénité voluptueuse ! qui des hommes vous appréciera ? On s’agite, on lutte, on espère, quand une seule chose est précieuse : savoir tirer de l’instant qui passe toutes les joies qu’il peut donner, et ne quitter son lit que le moins possible. »