Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/83

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force si tes deux esclaves lybiens ne l’avaient mise toute nue à la porte. Callistion la bien-nommée, désespérant de t’approcher, a fait acheter la maison qui est en face de la tienne, et le matin elle se montre dans l’ouverture de la fenêtre, aussi peu vêtue qu’Artémis au bain. Tu crois que je ne sais pas tout cela ? Mais on se dit tout, entre courtisanes. La nuit de ton arrivée à Alexandrie on m’a parlé de toi ; et depuis il ne s’est pas écoulé un seul jour où l’on ne m’ait prononcé ton nom. Je sais même des choses que tu as oubliées. Je sais même des choses que tu ne connais pas encore. La pauvre petite Phyllis s’est pendue avant-hier à la barre de ta porte, n’est-ce pas ? Eh bien, c’est une mode qui se répand. Lydé a fait comme Phyllis : je l’ai vue ce soir en passant, elle était toute bleue, mais les larmes de ses joues n’étaient pas encore sèches. Tu ne sais pas qui c’est, Lydé ? une enfant, une petite courtisane de quinze ans que sa mère avait vendue le mois dernier à un armateur de Samos qui passait une nuit à Alexandrie, avant de remonter le fleuve jusqu’à Thèbes. Elle venait chez moi. Je lui donnais des conseils ; elle ne savait rien de rien, pas même jouer aux dés.