Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/138

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Elle me parlait du haut d’une fenêtre grillée, dont la pierre était à peu près à la hauteur de mes épaules. Et je la vis, en costume de nuit, les deux bras drapés par les coins d’un châle puce, accoudée sur le marbre derrière les barres de fer.

« Eh bien ! mon ami, c’est ainsi que vous m’avez traitée », continua-t-elle à voix basse.

Mais j’étais bien incapable de me défendre…

« Penche-toi, lui dis-je. Encore un peu, mon cœur. Je ne te vois pas dans cette ombre. Plus à gauche, où éclaire la lune. »

Elle y consentit en silence et je la regardai, avec une ivresse absolue, pendant un temps que je ne puis mesurer.

Je lui dis encore :

« Donne-moi ta main. »

Elle me la tendit à travers les barreaux, et sur les doigts, et dans la paume et le long du bras nu et chaud, je fis traîner mes lèvres… J’étais fou. Je n’y croyais pas. C’était sa peau, sa chair, son odeur ; c’était elle tout entière