Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/258

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dire avec cent injures qu’elle était déjà venue le mois précédent, qu’elle prétendait sans doute m’offrir bien autre chose que ses corbeilles, ajoutant qu’on voyait bien à ses yeux son véritable métier, que si elle marchait pieds nus c’était pour montrer ses jambes, et qu’il fallait être sans pudeur pour aller ainsi de porte en porte avec un jupon déchiré à la chasse aux amoureux. Tout cela, semé d’outrages que je ne vous répète pas, et dit de la voix la plus rogue. Puis elle lui arracha toute sa marchandise, la brisa, la piétina… Je vous laisse à deviner les sanglots et les tremblements de la malheureuse petite. Naturellement je la dédommageai. D’où bataille.

La scène de ce jour-là ne fut ni plus violente ni plus fastidieuse que les autres ; pourtant elle fut définitive : je ne sais pas encore pourquoi.

« Tu me quittes pour une bohémienne !

— Mais non. Je te quitte pour la paix. »

Trois jours après, j’étais à Tanger. Elle me rejoignit. Je partis en caravane dans l’intérieur,