Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/53

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je me promène le soir. Le jour, je lis ou je vais jouer. C’est l’existence que je me suis faite. Elle est sombre.

— Mais vous avez des nuits qui consolent des jours, si j’en crois les murmures de la ville.

— Si on le dit encore, on se trompe. D’aujourd’hui au jour de sa mort, on ne verra plus une femme chez don Mateo Diaz. Mais ne parlons plus de moi. Pour combien de temps êtes-vous encore ici ? »

Don Mateo Diaz était un Espagnol d’une quarantaine d’années, à qui André avait été recommandé pendant son premier séjour en Espagne. Son geste et sa phrase étaient naturellement déclamatoires. Comme beaucoup de ses compatriotes, il accordait une importance extrême aux observations qui n’en comportaient point ; mais cela n’impliquait de sa part ni vanité, ni sottise. L’emphase espagnole se porte comme la cape, avec de grands plis élégants. Homme instruit, que sa trop grande fortune avait seule empêché de mener une existence