Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/79

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ma couverture, je pris place comme je pus dans un compartiment d’une classe inférieure qui était plein de femmes espagnoles.

Un compartiment, je devrais dire quatre, car tous communiquaient à hauteur d’appui. Il y avait là des femmes du peuple, quelques marins, deux religieuses, trois étudiants, une gitane et un garde civil. C’était, comme vous le voyez, un public mêlé. Tous ces gens parlaient à la fois et sur le ton le plus aigu. Je n’étais pas assis depuis un quart d’heure et déjà je connaissais la vie de tous mes voisins. Certaines personnes se moquent des gens qui se livrent ainsi. Pour moi, je n’observe jamais sans pitié ce besoin qu’ont les âmes simples de crier leurs peines dans le désert.

Tout à coup le train s’arrêta. Nous passions la Sierra de Guadarrama, à quatorze cents mètres d’altitude. Une nouvelle avalanche venait de barrer la route. Le train essaya de reculer : un autre éboulement lui barrait le retour. Et la neige ne cessait pas d’ensevelir lentement les wagons.