Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/107

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son réveil solitaire, avait été prise d’un accès de désespoir et de sanglots sur un divan. Entourée de mauvaises amies, exaspérée par les ricanements, plaisantée à la fois sur son curieux physique et sa passion de mauvais ton, elle s’était redressée toute pleurante encore, la bouche amère, les mains en griffes. Et au lieu de s’en prendre à celles qui dansaient une farandole autour de ses larmoyades, elle avait cherché par toute la grande salle la douce et innocente Denyse pour lui balafrer la poitrine et se venger de lui céder sa place.

Pausole écouta cette histoire d’une oreille souvent distraite. Il avait pris la Reine Denyse dans un lot de douze adolescentes offertes par une cité loyale, et s’il ne l’avait pas renvoyée à sa mère, c’était qu’un sentiment de pitié l’avait retenu de faire affront à une jeune fille devant ses concitoyennes ; mais il ne l’aimait point ; il la trouvait insignifiante et prude, avec quelque gaucherie. Pour concilier sur sa personne les règlements du harem et les principes de la bienséance, Denyse avait accoutumé de porter devant elle un petit pagne de dentelles qui la faisait ressembler à une sauvagesse élégante et qui, d’ailleurs, instable, voletant et mal fixé, produisait le résultat justement opposé à sa destination réelle. Pausole, qui