Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin, j’ai regardé ce jeune homme à l’instant où je l’admirais le plus, et aussitôt il m’a saisi la main… Alors mon père vous a dit vrai, Sire, j’ai résisté de toutes mes forces. Pas un cri ! car je n’aurais pour rien au monde appelé quelqu’un à mon secours dans la position où j’étais — et d’ailleurs, j’espérais bien me tirer de là toute seule. — J’ai lutté de mes quatre membres comme si je défendais ma vie, depuis le coucher du soleil jusqu’à la nuit noire. Puis, j’ai vu qu’il était trop tard pour rentrer à la maison, et je me suis découragée ; mais jusqu’au lendemain matin j’ai perdu courage plusieurs fois ainsi et je suis déterminée à ne plus mettre aucune énergie dans ces rencontres inégales. On demandait tout à l’heure à Votre Majesté de protéger ma faiblesse contre de nouvelles violences : celles de mon père sont les seules que je redoute. Je n’ai besoin de personne pour calmer les autres.


Pausole avait écouté cette petite plaidoirie sans l’interrompre d’un seul mot. Quand elle fut dite jusqu’au bout, il se hâta de prononcer :

— Voici une enfant très supérieure à son père par la maturité d’esprit, l’initiative et le sens de la vie. Allons ! émancipons-la. Je ne sais pas de quel